TikTok annonce la mise en place, pour les mineurs, d’un avertissement au bout d’une heure d’utilisation


La page de démarrage de TikTok s’affiche sur un iPhone à Ottawa, en Ontario, le lundi 27 février 2023.

L’application TikTok, extrêmement populaire chez les jeunes, a annoncé mercredi 1er mars qu’elle allait mettre en place, d’ici quelques semaines, un avertissement au bout de soixante minutes d’utilisation pour tous ses utilisateurs qui ont déclaré avoir moins de 18 ans.

Le site de vidéos chinois leur demandera un mot de passe pour continuer leur consultation. TikTok a précisé que celui-ci pourra être défini par un parent, si le jumelage familial des comptes est activé. L’option reste contournable puisque tout utilisateur peut la désactiver – ou mentir sur son âge pour éviter son affichage.

Cette fonctionnalité, qui complète des avertissements déjà existants, vise à répondre à l’explosion du temps passé sur l’appli par les 4-18 ans, happés par le défilement ininterrompu de vidéos proposées par un système d’algorithmes opaque qui analysent leurs goûts. Selon une récente étude mondiale de Qustodio, en 2022, les mineurs ont passé en moyenne une heure quarante-sept par jour sur TikTok. L’application surpasse tous ses concurrents par sa capacité à capter l’attention.

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En 2023, les utilisateurs d’Android l’utilisaient en moyenne pendant vingt-trois heures et vingt-huit minutes chaque mois et TikTok arrive en troisième position, derrière Snapchat et Instagram, des plates-formes les plus plébiscitées chez les 15-24 ans – 83 % de cette tranche d’âge fréquente quotidiennement les réseaux sociaux, selon une selon une étude Médiamétrie de 2022.

« Cette proposition va dans le bon sens, mais ne répond pas à l’ensemble de nos inquiétudes, notamment sur ce qui concerne la protection des données des utilisateurs et la teneur des contenus accessibles pour nos enfants », a commenté, mercredi, la secrétaire d’Etat à l’enfance, Charlotte Caubel, en réaction à l’annonce du site chinois, jugeant qu’un « dialogue ferme et engagé avec les plates-formes est le seul moyen de protéger nos enfants sur Internet ». Le ministre délégué chargé de la transition numérique, Jean-Noël Barrot, a vu dans ce nouveau dispositif une « avancée qui était attendue », dans une déclaration à l’Agence France-Presse.

Les vidéos se lisent automatiquement

Le caractère instantané et rapide de son fonctionnement distingue TikTok des autres réseaux. « C’est une question de rythme. Ce sont des vidéos extrêmement courtes [entre quelques secondes et quelques minutes], qui amusent beaucoup. Et ça ne s’arrête pas », analyse Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne spécialisée dans l’enfance et l’adolescence.

Sur TikTok, contrairement à une plate-forme comme YouTube, les vidéos se lisent automatiquement, sans avoir besoin de cliquer dessus au préalable. Définies par l’algorithme pour correspondre aux centres d’intérêt de l’utilisateur, elles s’enchaînent sans que celui-ci ait besoin d’être actif dans sa consommation de contenus. « C’est comme quand on met des petits enfants devant un film d’animation. Si on ne retire pas l’écran, ils vont y rester », souligne Béatrice Copper-Royer, qui met par ailleurs en avant la tendance des adolescents à « être dans l’excès ».

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Une utilisation importante de l’application et des réseaux sociaux peut mener les adolescents à adopter un « comportement exclusif ». « Ils ne vont plus communiquer avec leurs proches, ne vont plus pouvoir partager un repas en famille sans avoir l’impression de perdre du temps, vont refuser d’aller au sport, etc. », estime la psychologue. Autre conséquence soulevée, l’impact sur le sommeil des plus jeunes :

« Certains ne dorment plus parce qu’ils passent la nuit sur leur smartphone. »

Les 10-12 ans « ont l’impression d’entrer dans la cour des grands »

Le type de contenu suggéré par l’application du chinois ByteDance aux plus jeunes a aussi fait l’objet de polémiques. Des professionnels de santé alertent par exemple quant à la promotion d’un antidiabétique, l’ozempic, comme pilule minceur. En décembre, une étude américaine épinglait la plate-forme pour sa mise en avant de vidéos relatives au suicide et aux troubles alimentaires. En 2021, l’Italie avait provisoirement bloqué l’accès à l’application pour les utilisateurs qui n’étaient pas en mesure de prouver qu’ils avaient l’âge minimal requis – 13 ans – pour s’inscrire. Une mesure prise dans l’urgence après le décès d’une fillette qui avait participé au « jeu du foulard » sur le réseau social.

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Parler d’addiction aux réseaux sociaux et au smartphone reste « controversé », selon Béatrice Copper-Royer, coautrice du blog « La Famille sens dessus dessous » pour Le Monde. « Ce qui est certain, c’est qu’il y a un usage excessif et des habitudes qui peuvent prendre énormément de place. » Pour les 10-12 ans, qui démarrent, selon elle « trop tôt » sur les réseaux sociaux, « il y a une forme d’excitation. Ils ont l’impression d’entrer dans la cour des grands, ce qui renforce l’envie et le besoin. Ils ont du mal à passer à autre chose, ce qui génère souvent pas mal de conflits au sein des familles », poursuit la psychologue.

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Pour éviter de tomber dans l’excès, elle prône plutôt une réduction du temps passé sur TikTok et sur les écrans, plutôt qu’une interdiction totale : « Les jeunes ont une relation passionnelle avec les réseaux sociaux. Ils ont énormément de mal à trouver un juste milieu. Il faut en discuter avec les adolescents, poser des limites cohérentes. Cinq minutes par jour par exemple, c’est trop court. Il faut que l’utilisation soit suffisamment gratifiante, sinon on tombe dans la frustration », explique Béatrice Copper-Royer. Elle recommande néanmoins de ne pas laisser ses enfants rejoindre les réseaux sociaux trop tôt et de confisquer le smartphone la nuit pour les plus âgés.



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Catégorie article Politique

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